Confinement et inégalités sociales

[ Publié le 16 avril 2020]

Nous ne sommes pas tous égaux devant les contraintes dues à cette grave crise sanitaire et il ne faudrait pas que les semaines de confinement viennent augmenter encore les inégalités sociales déjà présentes dans notre société.

Deux ou quatre personnes dans une maison et son jardin, une famille dans un grand appartement en ville, une étudiante seule dans une chambre, une personne âgée isolée dans son appartement, une grande famille dans un logement trop petit, …

Autant de contextes matériels qui peuvent rendre cette période, si spéciale, plus ou moins difficile, parfois très difficile voire insupportable.  

Même si nous comprenons et approuvons la mesure consistant à interdire l’accès aux parcs publics pour limiter les regroupements, les premiers pénalisés par cette mesure sont ceux-là même qui vivent plutôt en appartement et qui ont le plus besoin d’aller prendre l’air et de se dégourdir les jambes. Rappelons à ce titre que 60% des Saint-Egrévois.e.s vivent en appartement.

Télétravailler, faire l’école à la maison … les familles ont dû s’adapter pour faire face à ce nouveau contexte quotidien. Pourtant, nous le savons, le travail ou l’école à distance peuvent poser problème à certaines familles dépourvues d’ordinateur ou de tablette ou n’étant tout simplement pas assez « agiles » avec les outils numériques.

Dans d’autres cas, ce sont parfois les parents qui sont dans l’incapacité d’accompagner leurs enfants pour les devoirs envoyés par les enseignants. Les raisons sont multiples : soit les parents sont absents en journée car ils continuent à se rendre sur leur lieux de travail, soit ils peinent à suivre les cours et les devoirs de leurs enfants.

Par ailleurs, à St-Egrève environ 1000 élèves mangent quasiment tous les jours à la cantine dans l’un des 6 groupes scolaires, de même qu’une partie des collégiens et des lycéens sont inscrits à la cantine scolaire. Pour une partie des familles, celles avec des revenus très modestes, le prix à payer par jour est de 1 € le repas pour les écoles primaires et maternelles. Aujourd’hui et depuis un mois, ces mêmes familles doivent acheter le nécessaire pour les repas de trois, quatre personnes ou plus. Evidemment, nous pourrions penser que subvenir aux besoins élémentaires de leurs enfants est le minimum. Pourtant, en ne percevant que les minimas sociaux, il devient compliqué de nourrir toute sa famille avec 3 repas équilibrés par jour…

Que dire également des femmes et hommes courageux – ses, qui continuent à se déplacer pour leur travail, pour permettre à chacun d’entre nous d’accéder à des produits alimentaires de première nécessité, pour continuer à s’occuper à domicile ou dans des structures des personnes fragiles, âgées, handicapées, pour faire respecter le confinement, pour éviter encore l’amoncellement des déchets, … ils  se mettent chaque jour en danger et ce sont souvent les travailleurs les plus modestes. Nous partageons largement l’idée que la valorisation du travail doit être revue à l’aune de son utilité sociale.

Certes, nous pouvons nous réjouir que les actions de solidarité, suscitées par les communes ou  relevant d’initiatives individuelles, soient nombreuses et que le lien social semble aussi se renforcer dans certains immeubles ou quartiers.

Mais qu’en sera-t-il après ?

Nous le savons, on nous le répète, « demain ne sera pas comme aujourd’hui ». Nous sortirons changés de ces semaines d’isolement, peut-être aurons-nous la sagesse d’aborder notre vie différemment … en consommant moins ou différemment, en étant attentifs à « la planète », en portant plus attention aux autres. Espérons-le !

Surtout, nous devrons être vigilants à ce que les inégalités sociales si criantes depuis quelque temps n’en sortent pas renforcées.

L’ère numérique durant le confinement

[ Publié le 16 avril 2020]

Des avantages …

Les moyens numériques ont considérablement changé notre rapport au monde depuis plusieurs années. La puissance des matériels et des logiciels à notre disposition ne cesse de croître. Les différents fabricants et systèmes d’exploitation de nos smartphones permettent à tout un chacun d’avoir accès très facilement à des outils avancés qui servaient, il y a 15 ou 20 ans en arrière, majoritairement aux professionnels.

En cette période de confinement, il est aujourd’hui possible de communiquer instantanément avec ses proches, que ce soit au téléphone bien évidemment, mais également par messagerie instantanée ou en vidéo, au moyen d’ordinateurs et, de plus en plus simplement, via un smartphone. On le voit, par exemple, dans certaines EHPAD où les personnels mettent tout en œuvre pour communiquer de manière régulière et innovante avec les familles des résidents. C’est désormais le cas à la Maison du lac de St-Egrève, où comme partout ailleurs, les résidents sont confinés dans leur chambre.

Dans le monde professionnel, l’ère numérique permet à une partie des salariés le recours au télétravail. Certains secteurs peuvent ainsi continuer tout ou partie de leur activité : banque, assurance, journalisme, sociétés proposant du contenu en ligne, …

Pour les enfants, l’accès au numérique permet de poursuivre une partie de leur scolarité, et de garder un contact avec les professeurs.

Enfin, pour tous, la quantité de contenus disponibles en ligne est vertigineuse, et il est impossible de tout lister : informations, musique, films, séries, vidéos sur tous les sujets,  livres en téléchargement libre ou payant, spectacles, formation en ligne, … sans oublier les jeux vidéos bien évidemment.

En conclusion, l’ensemble de ces ressources et de ces moyens est aujourd’hui extrêmement utile pour permettre à notre économie de fonctionner a minima, à un nombre non négligeable de travailleurs de continuer à rester actifs et à percevoir un revenu plutôt que du chômage partiel et, bien-sûr, de conserver le contact avec nos proches ou les services disponibles.

… Et des inconvénients

Tout usage d’un logiciel ou d’une application est soumise à des règles, différentes selon les pays, et ceci que le logiciel soit payant ou gratuit. Si certains services font preuve régulièrement de transparence sur l’utilisation de nos données personnelles collectées, d’autres sont bien moins explicites. En effet, les réseaux sociaux et toutes les applications sont d’énormes consommateurs de données utilisateurs, ils n’hésitent pas à l’écrire en toute transparence dans des Conditions Générales d’Utilisation que chacun signe en toute confiance sans jamais les lire.

Dans cette catégorie des réseaux sociaux, certains logiciels, sites, applications, se sont installés dans notre vie courante et nous paraissent indispensables. D’autres, ont connu un énorme essor dès le début du confinement. Les outils de vidéos-conférences ont vu leur fréquentation croître très rapidement dès la mi-mars. Ils sont très pratiques et répondent à une attente devenue immédiate. Les utilisateurs ont laissé de côté les risques encourus par l’utilisation des données convoyées via ces interfaces : récupération de données personnelles, d’identifiants et de mots de passe, intrusions à distance sur les PC…

Le recours au télétravail n’est pas sans poser problème également : s’il est indéniable qu’il permet de continuer son activité, il n’élude pas les trois inconvénients suivants :

– chaque interlocuteur discute depuis son domicile. Si certains peuvent ou ont aménagé un espace de travail dédié à leur activité, cela n’est pas forcément possible pour tout le monde. Il devient ainsi fréquent de partager une conversation entre son responsable et son entourage proche, voire même ses voisins bruyants. Au niveau discrétion et immiscion dans la vie privée, il est difficile de faire pire.

– de nombreuses personnes en télétravail doivent en même temps surveiller leurs enfants. Suivant l’âge de ces derniers et leur niveau de scolarité, et l’organisation de la journée avec les repas, il n’est pas forcément évident d’organiser son temps de travail et il est probable que la productivité ne puisse être au rendez-vous

– enfin, le télétravail n’est disponible que pour une partie des salariés, soit parce que l’infrastructure de l’entreprise n’a pas permis son utilisation pour tous, soit tout bonnement parce qu’il est par nature impossible (agriculture, industrie agro-alimentaire, soins, commerces, entretien…)

L’accès au numérique est également un vecteur de discrimination sociale : l’ingénieur en informatique aura des facilités à répondre à ses propres besoins et à ceux de son entourage alors qu’une personne ayant peu d’aisance avec ces outils sera encore plus en difficulté durant cette période. C’est encore plus le cas pour les enfants : ceux qui éprouvaient des difficultés d’apprentissage durant leurs heures de cours habituelles risquent d’être encore plus distancés si leur entourage ne peut leur fournir les moyens ou les connaissances pour poursuivre leur scolarité. Nous reviendrons ultérieurement sur l’école à la maison…

Et cette discrimination peut encore s’amplifier si les moyens matériels font défaut : pas d’ordinateurs à disposition, zone d’habitation pas ou peu couverte par un accès à internet…

Enfin, l’accès à des milliards de contenus est une chance unique mais n’est pas non plus exempt de défauts et encore faut-il savoir bien chercher l’information ! Vous l’avez peut-être déjà constaté : vous tapez un mot clé dans un moteur de recherche et, au final, vous tombez toujours sur les mêmes propositions de sites internet ou alors vous arrivez sur des sites peu fiables, voire diffusant de fausses informations.

Le confinement subi par plus de la moitié des habitants de notre planète participe de l’accélération et de la diffusion de la révolution digitale en cours depuis l’arrivée d’internet. Que ce soit à l’éducation nationale, dans des PME ou les grosses entreprises, dans les associations ou dans les chaumières, jamais nous n’avons été aussi connectés, pour le pire comme pour le meilleur !

#restezàlamaison

[ Publié le 10 avril 2020]

Encore faut-il avoir un logement et être bien logé ! Malheureusement, ce n’est pas le cas pour tout le monde. En France, le mal logement concerne quatre millions de personnes et revêt des situations très diverses : de l’absence d’un hébergement à une privation de confort ou un surpeuplement accentué…

A travers plusieurs exemples bien réels et proches de chez nous, l’injonction #restezchezvous fait écho à toutes ces personnes qui soit n’ont pas de « chez elles », soit pour lesquelles la notion de « maison » peut vite devenir un enfer.

Nous savons que des personnes sont actuellement hébergées dans le cadre du dispositif hivernal prolongé dans un hôtel à Voreppe. Mais comment faire pour rester confiner à plusieurs dans une chambre d’hôtel ? Comment se ravitailler et assurer ses repas ? D’autres populations, par exemple des jeunes étrangers mineurs se retrouvent, quant à eux, à leur majorité, sans solution d’hébergement et de logement. Juste avant le confinement, certains avaient trouvé refuge dans une aumônerie rue des violettes à Grenoble. Comment appliquer des mesures de prévention dans ces conditions ?

De même, quand une famille est nombreuse et partage l’espace restreint d’un appartement, la vie ensemble peut devenir très vite, compliquée. Pour les femmes qui subissent la violence de leur conjoint, cela devient carrément un enfer. Enfin, pour l’enfant en situation de danger dans son milieu familial, rester confiné c’est devenir captif de son prédateur. A St-Egrève, depuis très longtemps, il existe une Maison d’Enfants à Caractère Social, où sont placés des enfants dits en danger et donc retirés de leur famille. Comment ces enfants et adolescents vivent-il l’injonction #restezàlamaison ?

Si la Maison est une notion majoritairement rassurante, protectrice pour la plupart d’entre nous, nous devons garder en tête que le confinement est aussi un révélateur du mal logement et de la détresse sociale d’une partie de la population. Il ne faudra pas l’oublier au moment de tirer les enseignements de cette crise sanitaire.

Transition écologique et Covid : quel rapport ?

[ Publié le 02 avril 2020]

Directement, probablement peu, si ce n’est que la facilité des échanges et des voyages a accéléré la diffusion du virus dans le monde entier. Mais la prévention, les effets et le combat contre le virus ou contre le réchauffement climatique se ressemblent étrangement :

  • Tout se joue à l’échelle de toute la Terre. Aucun espoir de s’en sortir à Saint Egrève, à Grenoble où en France si on n’agit pas au niveau du monde entier. La solidarité avec tous les continents dont l’Afrique, par exemple, est obligatoire ! C’est une difficulté supplémentaire, car les résultats des efforts de chacun sont dilués dans toute notre planète. Il est alors tentant de jouer les passagers clandestins : je ne fais rien, je bénéficie quand même des efforts de tous…
  • Avant, il est très difficile de se préparer. On dispose de modèles établis avec ce qu’on sait au jour de leur construction, pas de prédictions. Il est facile de les rejeter en bloc. Qui a dit : « le virus disparaîtra de lui-même pour Pâques… » ? Les spécialistes eux-mêmes reconnaissent qu’avec le virus, comme pour le climat, l’évolution de la situation peut être affectée dans les deux sens par des imprévus. Comment, par exemple quantifier l’effet du rejet de méthane par le dégel des sols du grand Nord qui peut s’emballer et amplifier le réchauffement ? On est vite classé parmi les catastrophistes quand on essaie de décrire ce qui risque d’arriver si on ne fait rien.  
  • Quand les effets arrivent. Ah…comme on regrette de ne pas en avoir fait plus, plus tôt, avant, quand c’était encore facile et quand on avait du temps ! L’effort à fournir et les conséquences sont énormes. Dans les deux cas, l’effort repose autant sur le collectif (les états, les administrations, les règlementations…) que sur les individus, et les uns sans les autres ne mène nulle part. Et là encore, l’équilibre entre trop et pas assez est impossible, puisqu’on ne saura jamais ce qui serait arrivé sans les actions entreprises !
  • Les remèdes. Même les tenants du libéralisme économique qui nous dirigent le reconnaissent aujourd’hui, c’est l’ensemble du système économique et social qu’il faudra revoir. S’en souviendront-ils à la fin de la pandémie, quand il faudra se remettre à la question du dérèglement climatique, autrement plus grave que le Covid ?

 La difficulté pour changer est colossale, car malgré tous les défauts connus du système économique actuel, qui engendre des inégalités et des dégâts pour nous et notre planète, nous sommes (presque) tous bien attachés aux avantages qu’il nous accorde ! Et pourtant, ce sera nécessaire, il faudra bien expérimenter pour ralentir de manière drastique nos gaz à effet de serre et stopper la destruction de notre biodiversité. L’urgence est grande dans les deux cas, seule l’échelle de temps est différente.

Le jour d’après …

[ Publié le 10 avril 2020]

Depuis l’arrivée du virus, notre vie à tous est bouleversée, en France et dans le monde entier. Du jour au lendemain, ce qui était impossible est devenu possible, nos libertés sont limitées, nos questions n’ont pas de réponse.

Un chanteur creusois clame avec humour « Corona met tout le monde d’accord » (www.youtube.com/watch?v=5fPsn9QkC5M). Mieux considérer toutes les professions, c’est possible, réduire drastiquement la pollution, c’est possible. 

Les valeurs de notre société paraissent chamboulées. On trouve de l’argent pour aider les plus vulnérables, on découvre que les éboueurs, les caissiers, les aides-soignantes, les maraîchers, sont tellement indispensables qu’on crée pour eux des rites de remerciement le soir à 20h. On découvre qu’on peut aider ses voisins… On découvre qu’il faut se battre ensemble, unis, pays du Nord et du Sud pour éradiquer la pandémie. 

Quand la crise sera passée, voudrons-nous vraiment recommencer comme avant ? 

Puisque notre modèle s’effondre, profitons-en pour réfléchir et construire la  société que nous voulons. Nous pourrions vouloir garder ce que l’on a redécouvert de si important : la solidarité, l’importance vitale des services publics, un système de santé qui soigne tout le monde, la revalorisation des « petits » métiers, la garantie pour tous de satisfaire les besoins essentiels. La croissance ne serait pas celle du PIB mais celle d’un indice de développement humain, de réduction des inégalités sociales. Les fruits et légumes pousseraient près de chez nous, les produits essentiels à notre vie seraient fabriqués près de chez nous. Un article d’Abel Mestre et Sylvia Zappi dans le Monde du 4 avril en parle : « Effondrement, décroissance, relocalisation… Comment la gauche pense l’après-coronavirus ». L’épidémie de Covid-19 incite les intellectuels, militants associatifs et politiques de gauche français à repenser, notamment, le système économique et la notion d’Etat social.

www.lemonde.fr/politique/article/2020/04/03/effondrement-decroissance-relocalisation-comment-la-gauche-pense-l-apres-coronavirus_6035379_823448.htmlEt

Et vous, vous le voyez comment le jour d’après ? Envoyez –nous vos réactions.

Pensées confinées…

Comme le temps est passé vite ! Mi-mars, une campagne électorale s’achevait avec la crainte encore hypothétique de quelques mesures sanitaires contre un obscur virus chinois et trois semaines plus tard nous vivons l’inimaginable. Près de 3 milliards de terriens confinés chez eux pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, puisque la population mondiale a dépassé le seuil du milliard en 1800 et 2 milliards vers 1920, il y a tout juste 100 ans. Cent ans, c’est aussi à quelques mois près le temps qui s’est écoulé depuis l’épidémie de grippe espagnole qui causa plus de 2 millions de décès en Europe occidentale, soit 0,5 % de la population et 50 à 100 millions de morts dans le Monde. Avant, il y avait eu les grandes pestes qui décimaient régulièrement la population, mais c’était il y a bien longtemps, quelques fractions de secondes à l’échelle du cosmos. Ailleurs, il y avait eu Ebola, mais c’était bien loin, et nous nous sentions bien peu concernés. Baignés dans l’illusion du progrès universel et de la science omnipotente, nous avions cru que rien de tout cela n’arriverait plus jamais ici. Envoutés par la magie de la technologie triomphante, nous pensions être enfin détachés des contingences, libérés de l’angoisse de la maladie, seuls maîtres et possesseurs d’une Nature que nous pouvions désormais exploiter sans retenue et sans scrupules.

Mais ça, c’était avant, il y a très longtemps, il y a 3 semaines déjà !

Comme une grande claque en pleine figure, nous sommes contraints de reprendre conscience de notre finitude, de notre infime petitesse, nous sommes forcés de découvrir que la Nature ne nous est pas extérieure, et que nous n’en sommes qu’un infime avatar. Alors que nous sommes encore au milieu du gué, y a-t-il déjà quelques leçons que nous pouvons apprendre de cette crise sanitaire historique ?

Première leçon, nous ne sommes ni rationnels ni utilitaristes. Certains s’en doutaient , voilà la confirmation. Si nous étions rationnels, nous respecterions les mesures de confinement et toutes les précautions sanitaires, si nous étions rationnels nous attendrions les résultats d’essais cliniques en double aveugle avant de nous passionner pour des remèdes miraculeux, si nous étions rationnels, nous n’irions pas dévaliser les magasins pour stocker des pâtes et du papier hygiénique… mais avant cela, si nous étions rationnels nous aurions déjà écouté depuis longtemps les climatologues, nous aurions réduit nos émissions de gaz carbonique, nous aurions arrêté d’acheter des voitures énormes et surpuissantes, nous aurions arrêté d’importer de l’autre bout du Monde des produits superflus qui finissent dans les décharges et les poubelles. Là il n’y a pas vraiment de surprise !

La bonne nouvelle, la deuxième leçon, c’est que nous ne sommes pas utilitaristes, en tout cas pas la plupart des Européens. Si nous étions utilitaristes, nous laisserions le virus se propager pour atteindre rapidement un bon taux d’immunité dans la population au prix de 2 ou 3% de décès, méthode préconisée par MM Trump, Johnson et Bolsonaro. Si nous étions utilitaristes, nous clamerions haut et fort que ces décès concernent surtout des personnes âgées, voire très âgées qui coûtent cher à la société et ne rapportent plus grand-chose. Ouf ! La compassion, l’altruisme, le respect de la vie l’emportent sur les valeurs purement mercantiles et utilitaristes, au moins dans la plupart des pays occidentaux. Notons toutefois que les Anglo-saxons doivent nous inciter à la vigilance avec un modèle de société qui se confirme comme étant très éloigné des valeurs humanistes du “vieux continent”.

Et il y a plein d’autres bonnes nouvelles. Certes, il est difficile d’entendre parler de bonne nouvelle quand on est malade, quand on est inquiet pour soi ou pour ses proches, quand certains de nos parents ou amis sont déjà partis. Mais nous voyons aussi émerger une richesse incroyable dans les élans spontanés de solidarité locale. L’imagination et la créativité collectives apportent chaque jour des solutions originales pour réorganiser la vie, pour se distraire ensemble, pour communiquer avec ses voisins. Et pendant que nous sommes confinés, la nature se régénère, les animaux reviennent dans les villes et les villages, la pollution de l’air diminue.

Alors faut-il être optimiste pour l’avenir ? Il est certes un peu tôt pour le dire et nous allons encore traverser de dures épreuves demain et dans les prochaines semaines. Mais nous pouvons déjà penser au monde que nous souhaitons pour après-demain, lorsqu’un traitement aura été trouvé, lorsqu’un vaccin aura été mis au point, lorsque la vie, notre vie pourra ou pourrait redevenir comme avant. Saurons-nous retenir ce que nous avons appris avant d’affronter la prochaine crise qui s’annonce, la crise écologique ?

Ces quelques jours de confinement et d’activité réduite sont peut-être une occasion inespérée de nous poser cette question. Quand le confinement sera terminé, allons-nous sauter dans le premier avion pour aller arroser ça aux Maldives ou allons-nous organiser une grande fête de quartier avec nos amis et voisins, ces voisins que nous connaissions à peine et que nous étions heureux de retrouver chaque soir pour applaudir sur le balcon ? Allons-nous nous ruer dans les supermarchés pour remplir nos caddies de nourriture industrielle, de viande aux hormones, de fruits importés par avion, ou continuerons-nous d’aller à pied chercher nos légumes chez le maraîcher dont nous avons découvert l’existence à 3 pas de chez nous ? Et plus globalement, approuverons-nous le vaste plan de relance déjà en préparation pour soutenir l’industrie automobile et le transport aérien ? Approuverons-nous des politiques de destruction du service public, et en particulier de l’hôpital ? Approuverons-nous la privatisation des retraites au profit des compagnies d’assurance qui voudraient bien profiter de leur part du gâteau ?

Et si cette crise sanitaire n’était que la dernière alerte avant la grande crise qui s’annonce ? Si nous savons en tirer les enseignements, nous découvrirons peut-être que nous sommes beaucoup plus adaptables que nous le croyions, nous apprendrons peut-être que le nouveau monde plus sobre, plus sage est aussi plus humain, plus beau, plus serein et que nous pouvons aborder dès maintenant cette transition sans angoisse, sans peur, avec optimisme et enthousiasme.

Les apiculteurs et les abeilles en danger ?

Le printemps est la saison la plus importante pour les abeilles. A Saint-Egrève, comme ailleurs, la nature est en avance et les apiculteurs s’activent. En effet, il faut faire une inspection détaillée à la sortie de l’hiver et préparer les ruches pour la saison. La nature n’attendra pas la fin du confinement !

Après une année 2019 catastrophique pour la production de miel (divisée par 2 en moyenne par rapport à 2018) et en termes de mortalité des abeilles (30% de pertes d’essaims), les apiculteurs craignaient qu’ils ne puissent se déplacer vers leurs ruchers. 

Heureusement une semaine après le décret de confinement généralisé, une note technique spécifique pour l’apiculture est sortie (DGAL/SDSPA/2020-199 20/03/2020). Les activités apicoles sont priorisées. Sont autorisées : les visites aux ruchers, la préparation du matériel dans son atelier, la récolte, la vente de matériel. Et le plus important pour les professionnels et les consommateurs : la vente de miel est autorisée en prenant toutes les précautions en vigueur. Les activités reportées sont : les actions de formation, les visites de groupes et toute présence de tiers sur les ruchers.

Mais une autre embûche attend le monde apicole : l’interdiction totale ou partielle des marchés et la  limitation des déplacements des clients potentiels. Nous avons la chance d’avoir quelques apiculteurs professionnels et amateurs récoltants à Saint-Egrève et nos abeilles locales produisent un des meilleurs miels de montagne de France. Il est donc nécessaire de les soutenir en achetant leurs produits qu’ils distribuent sur les marchés ou dans certains magasins.

N’hésitons pas à appeler notre apiculteur habituel pour passer commande et s’entendre sur un moyen de livraison. Quelques soient vos possibilités, revenez vers eux dès la fin du confinement. Merci pour eux