[ Publié le 14 mai 2020 ]
Le déconfinement se met en place avec beaucoup de réticences. Réouverture des commerces, reprise des productions, reprise très controversée des écoles…
On entend beaucoup cette critique, en particulier à propos de l’école : « C’est uniquement pour des raisons économiques. La sécurité doit passer avant tout ! ».
La sécurité totale ? Appliquons-nous ce principe à notre vie quotidienne ?
Tous, nous acceptons un risque mortel lorsque nous l’estimons (à tort ou à raison !) peu probable devant le plaisir attendu :
– Une cigarette ? Au moins 60 000 morts par an en France très directement liés au tabac
– Une nourriture trop grasse, trop sucrée, trop salée ? 5 à 10 millions de morts par an dans le monde !
– Une activité de plein air ? Les chutes en VTT, les avalanches, noyades,… tuent chaque année des centaines de personnes.
On peut multiplier les exemples.
Certes, la situation avec le Covid est différente et nous empêche d’évaluer le risque, même de façon subjective. Les incertitudes médicales restent énormes à ce jour. Y a-t-il vraiment une immunité durable ? Y a-t-il un effet saisonnier ou peut-on espérer une extinction naturelle du virus ? Ou au contraire une deuxième vague, peut-être encore plus virulente, est-elle possible, probable?
La poursuite de l’arrêt des activités à cause du risque sanitaire nous enfonce dans un chaos économique de plus en plus sévère. Les « raisons économiques » ne sont pas seulement les dividendes ou les bénéfices des entreprises.
Les employés ont absolument besoin de leur salaire. L’Etat peut fournir un revenu de remplacement pendant un certain temps. Mais la monnaie créée ne remplace pas les biens ou les services qui ne sont pas produits, et dont chacun a pourtant besoin : nourriture évidemment, mais aussi tout ce qui fait notre vie, logement, santé, vêtements, déplacements, loisirs, etc.
On peut argumenter sur les besoins, et il est vrai que certaines activités devront à terme diminuer dans une société plus écologique, mais ce changement ne peut être que progressif. La production de biens et services recommencera dans un premier temps plus ou moins dans le cadre existant.
Une position raisonnable compte tenu de ce que l’on sait, et surtout de ce que l’on ignore, est qu’il nous faudra donc vivre [(et mourir ?)] avec le virus. On peut limiter les dégâts, mais il est illusoire de penser que l’on va éradiquer le Covid dans les mois qui viennent car traitement et vaccin devraient être longs à venir.
Évidemment, les précautions élémentaires recommandées en termes de distance et d’hygiène doivent être suivies par tous car c’est une protection collective autant qu’individuelle, que l’on pourrait comparer au code de la route. Le déclin actuel de la pandémie montre leur efficacité.
La question, débattue jusqu’à épuisement, est de savoir à quel niveau de précaution on s’arrête. Malgré la dimension collective incontestable de ces précautions, on ne peut que s’en remettre à des choix individuels qui équilibrent le risque perçu et la contrainte acceptée, comme nous le faisons dans les autres choix de vie en prenant une voiture, en mangeant des gâteaux, en faisant du VTT, …
Est-il raisonnable de couper des personnes très âgées, malades, de tout contact avec leurs proches pour les empêcher à tout prix de mourir du Covid ?
Est-il raisonnable de remettre à l’école des petits de 5 ans en les empêchant de toucher les jeux, les livres, leurs copains…Alors qu’à la maison ils vont jouer avec leurs voisins et manipuler tout ce qui est à leur portée, et alors que tous les spécialistes s’accordent sur le danger bien plus faible pour les enfants.
La Suède a fait le choix de laisser la responsabilité aux citoyens, en leur indiquant les précautions à suivre sans les infantiliser, et en ne posant qu’un minimum d’interdictions légales. A ce jour, le résultat en termes de nombre de cas et de décès par habitant est meilleur que dans bien des pays plus directifs. Soyons honnêtes, la chance a pu aussi jouer en leur faveur, car on observe d‘étonnantes variations régionales à toutes les échelles. Et, nous savons aussi que les ménages unipersonnels sont plus importants en Suède que chez nous, ce qui limite aussi la propagation du virus d’un individu à un autre.
Il est possible que d’ici l’arrivée d’un traitement et/ou un vaccin, la mortalité par Covid devienne une composante normale, comme le cancer, les maladies cardio-vasculaires et toutes les autres contre lesquelles nous luttons depuis toujours. Et d’ailleurs, la somme des causes devant toujours faire 100%, l’émergence du Covid diminuera la mortalité par cancer et infarctus…!
Il nous faut trouver un équilibre dans le niveau de précaution qui permette à la vie de se poursuivre dans des conditions satisfaisantes :
- production des biens et services dont nous avons besoin (et c’est bien l’occasion de réfléchir à trier ces besoins selon leur importance !) ;
- niveaux de revenus liés au travail ou solidarités institutionnelles assurant à tous la possibilité de vivre dignement ;
- relations chaleureuses malgré des contacts physiques moindres ;
- loisirs et développement personnel, art, culture, sport…
Et surtout il nous faut rester modeste et accepter que l’évolution de la pandémie rendra peut-être nécessaires des retours en arrière.
Bref, peut-être pourrez-vous trouver cela un peu direct, mais néanmoins nous devons nous rendre à l’évidence, notre condition est de mourir un jour. Par des précautions acceptables et des changements de comportements, il nous faut contenir le Covid, et considérer ce que l’on n’arrive pas à maîtriser comme un facteur de mortalité parmi les autres. Ce serait pire encore de le laisser nous étouffer par la peur, dans l’illusion d’un risque nul impossible à atteindre.
Cela nous fera un bon entraînement pour les changements nécessaires pour lutter contre le réchauffement, menace à moyen terme bien plus grave ! Pas de vaccin contre le réchauffement, mais un traitement est bien connu : la transition énergétique !
Et si on mettait autant de moyens en œuvre contre le réchauffement que contre le Covid ?